jeudi 25 novembre 2010

Liquid mordenity


1917, pour gagner les masses, la révolution Bolchévique fait appel aux artistes, c'est l'agit-prop, la propagande activiste. Les frontières s'effacent,les actions répressives s'effondrent, des trains transportent des projecteurs de cinéma, acteurs de théâtre et poètes sillonent les campagnes, et le mois d'octobre prône une société vierge de statuts hiérarchisés où ouvriers et philosophes marchent côte à côte. Des artistes d'avant garde tels que Rodchenko et Malévitch donnent à leurs oeuvres une mission politique, bannière symbolique de nouveaux citoyens. Jusqu'à ce que le réalisme socialiste Stalinien prennent le dessus, préférant un style inféodé au pouvoir.


Cinquante ans plus tard, Andreï Molodkin, qui a pour coutume de piller la culture contemporaine, en prendre ses principaux emblêmes pour les associer sans vergogne à de hauts termes (democracy, justice, war) et sigles économiques (dollars, euros); décide enfin d'intégrer les sigles révolutionnaires du père du suprématisme à l'or noir constituant le leitmotiv de son travail. C'est la moindre chose que l'on attendait venant d'un transgressif originaire russe prenant un malin plaisir à dénoncer le capitalisme et ses disgressions. Peut être était ce trop évident pour qu'il le fasse avant 1966.
Le cartel de ses after-Malévitch affirme que carré noir, cercle noir ainsi que croix noire sont bels et bien remplis de pétrole brut russe. En se retrouvant face à cela, l'effet parle tellement de lui-même que l'on a presque envie de rire devant tant de cohérence et d'évidence. La démarche cynique de Molodkin ici nous fait vite réaliser que même nos icônes modernistes, encombrées par les tuyaux emplits d'or noir, auraient tendance à s'écouler et donc à s'effondrer. Les symboles ne sont justement pas remplis à ras bord, ils commencent lentement à s'évider.
Le spectateur regarde et passe innocemment devant ce qui représente peut être la lente agonie des symboles avant gardistes du début du siècle.
Regarde et passe. C'est peut être à ce moment là qu'il faudrait se poser de grandes questions génériques sur le statut de l'art contemporain aujourd'hui, le système de financement des grandes institutions muséales,la montée en flèche parfois absurde des prix des oeuvres sur le marché de l'art, ou encore les grandes chasses à l'oeuvre annuelles qui prennent places dans les grands entrepôts où s'entassent les tout derniers espoirs de la modernité.



Etudié, analysé, épluché, le propos des avants gardistes de la fin du XIXème et du début du XXème siècle n'a peut être plus autant la même autenthicité aujourd'hui. Les monochromes du XXIème siècle sont ils réellement comparable à ceux d'Yves klein? Comment être révolutionnaire à une période où la plupart des grands propos ont été découverts au préalable? Aujourd'hui, dans un musée, l'art est partout, croit-on.
Vous est-il déjà arrivé de vous extasier devant une grille d'aération au centre Pompidou en pensant qu'il s'agissait d'un sublime Mondrian? De confondre un gardien de salle avec une sculpture hyperréaliste? Cette marque de peinture semble bien se prendre pour une huile de maître.
Le large public semble avoir répondu à cette problématique lorsqu'il se déplace en masse pour la dernière exposition Gustave Courbet, Cabanel ou encore la dernière réunion des toiles de Rembrandt. Il passe et regarde salle aprés salle, se révolte devant une toile moderniste ou une installation ultra-contemporaine, clamant que son neveu de cinq serait largement capable de produire cette pièce et que "se serait plus facile pour gagner des millions". Le public se révolte devant la soi-disante apparente simplicité de la contemporanéité, alors qu'il tourne le dos à un La Tour.
Ne frôlez pas un touriste de Duane Hanson sens y prêtez attention. Tout est affaire d'observation, d'émotion, et parfois il ne faut pas chercher plus loin.

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