vendredi 19 novembre 2010

Les viscères d'un objet.

J’ai commencé comme peintre. (...) J’ai besoin physiquement, pratiquement, physiquement de toucher la couleur. Ayant trouver ce système pour capturer la peinture qui sort des tubes , en la prenant dans le Plexiglas ou le polyester, elle devient objet. La couleur devient objet. Je me suis beaucoup amusé avec ça. J’ai fait des oeuvres monochromes, d’autres très colorées : j’ai refait le peintre." Arman, Entretien avec Daniel Abadie, "L’archéologie du futur" (Cat. Jeu de Paume, 1998)

Plusieurs notions viennent à l'esprit au regard du travail d'arman, elles partent de la colère jusqu'à l'apaisement. La sérialité de ses oeuvres éclatées - étalées sur la toile, empilées, violons, pianos, tubes de peintures masques à gaz- peut autant fasciner que lasser. Elle transfigure à la fois la principale qualité ou la simple caractéristique de l'oeuvre. Bien loin de là, les deux lignes majeures du travail d'un des principaux membres fondateurs du Nouveau Réalisme, se matérialisent en le geste, héritier de sa passion pour les arts martiaux, ainsi qu'en l'objet. L'objet comme vecteur de formes artistiques nouvelles. C'est ainsi que l'artiste applique ses gestes automatiques au grand format hérité des grandes avants-gardes historiques telles que Picasso, Kurt Schwitters ou encore le groupe de Stijl. Telles sont les sources du collectioneur obsessionnel de déchets et objets manufacturés en tout genre. Au fur et à mesure que sa propre carrière se développe, l'objet s'impose peu à peu dans le cadre pictural en s'appuyant sur la notion de quantitativisme.
Lorsqu'il mène le procédé de l'accumulation à son paroxysme en 1960 avec l'exposition Le plein faisant face à celle de son ami Yves Klein -le vide-, qu'on prend conscience de l'immense qualité ironique habitant le nouveau réaliste. Et c'est bien là le réalisme que l'on apprécie chez lui.

En réalité Arman joue ironiquement avec le spectateur, face à cet explosion d'objets sur le cadre pictural aux dimensions immenses, il nous mène avant tout vers une grande confusion tant intellectuelle que visuelle, pour finalement signer ironiquement d'une phrase simple, la plupart du temps si simple qu'elle nous ramène à l'essence même de la toile. Une toile habitée d'objets, une toile simple, un geste qui touche profondément une sensibilité naturelle et évidente. Jusqu'au jour où il nous fait prendre conscience que l'objet en lui même peut être encore plus signifiant que son image reportée.

1 commentaire:

  1. Encore un très bon article Mlle Caillard... Décidement je me lasserai jamais de les lire. J'aime beaucoup la comparaison (plutôt opposé) avec Klein, pourtant si simple mais pas évidente...
    A quand le prochain? (sur Magritte par exemple?)

    RépondreSupprimer