mercredi 16 novembre 2011

Fiac cru 2011


Jean Luc Moulène
Body
FIAC 2011
structure aluminium, fibre de basalte, résines et peintures
250 x 850 x 350 cm
production Renault, fabrication D3


Body est un projet dont le développement se place environ une trentaine d'années avant sa réalisation. Pièce de consécration, elle constitue donc une œuvre pensée longuement dans la carrière de l'artiste contemporain.
Jean Luc Moulène, dont le travail reste de dominante photographique, présente ici pour la première fois une pièce monumentale (de dimensions imposantes: 250 x 850 x 350cm) en plein air.
D'un point de vue plastique, Body est composée de douze faces précisément asservies à onze coupes. Ces panneaux, placés sur une structure en aluminium autoportante, reprennent la structure d'une carrosserie de voiture et sont chacun composés de trois côtés arborant des dégradés des trois couleurs primaires, allant d'une couleur vers le blanc. La totalité de la pièce apparente la forme d'une carrosserie, bombée tendue, composée de creux et de bosses.
Cette première pièce monumentale possède un pendant d'une dimension inférieure: Body Versus Twizy se composant de six surfaces générées par cinq coupes précises et définies. Pièce parallèle donc la structure est pensée dans la même logique et conçue selon les mêmes techniques à l'exception de sa couleur qui est composée d'une alliance de trois différents noirs, mat, brillant et opalescent.

La genèse du projet de cette pièce est partie de plusieurs observations urbaines de l'artiste. Faisant le constat de l'indifférence de la population face à la présence des carrosseries de voitures au cœur du quotidien, pourtant conçues au début du siècle comme de véritables sculptures. Moulène a donc voulu se pencher sur ces pièces de carrosseries, objets de mobilité et immobilité en même temps. Avec Body, Jean Luc Moulène veut rendre sa visibilité à la mobilité, s'opposant aux œuvres précédentes détruisant et immobilisant ces carrosseries. La taille ainsi que la conception plastique de la pièce sont donc intrinsèquement liés à cet théorie de l'immobile partant de la forme même de carrosserie.
Par conséquent, la taille fait partie de la conception générale du projet, la pièce ainsi finie, dont les dimensions dépassent celle d'un homme et de deux voitures, le spectateur ne peut l'apercevoir dans sa totalité. L'objet, perçu comme une architecture, ne représentera jamais une vision complète, perdant le regard sur les différentes surfaces concaves et convexes, révélant cette énigme illusionniste de la mobilité.
Le positionnement des deux pièces dans le jardin des tuileries à l'occasion de la foire internationale d'art contemporain 2011, est lui aussi mathématiquement réfléchit. La pièce secondaire, Body Versus Twizy, est ainsi placé en parallèle de Body en haut de plusieurs marches, en retrait de Body mais aussi légèrement plus en hauteur. La vision du spectateur ainsi également remise en cause en un sens où les points de vues se présentent en nombre élevé, aucun d'entre eux ne permettant une vision globale de l'ensemble des volumes.

Nous parlons bien ici d'une pièce énigmatique à fond mystique puisque l'artiste français, à la base de son projet, pris comme référence un dessin tantrique de l'école de Vyakul (1930-2000) composé d'une cellule colorée elle même habitée d'une spirale noire. La référence ainsi choisie, Body pourrait constituer l'interprétation en volume de cette représentation du monde selon l'idéologie tantrique. C'est dans cette perspective que le système coloré de Vyakul se voit repris en volume à travers un dégradé des couleurs primaires tendant vers le blanc provocant une glissade du regard à l'image d'un monochrome éclairé par la lumière blanche naturelle. Il est évident que Moulène aborde une pratique de la sculpture avec l'œil d'un photographe.
C'est ainsi que Bodys s'inscrit dans la continuité et la caractéristique de son œuvre, d'un point de vue photographique tout d'abord mais également dans son rapport aux objets de marchandise. En effet, l'artiste a auparavant travaillé dans le monde de la marchandise ainsi que celui du travail collectant pendant de nombreuses années des objets du quotidien, fabriqués dans le cadre de grèves d'entreprises.
Body peut par conséquent, être perçu comme un seul objet comportant des informations provenant de plusieurs champs différents n'étant naturellement non liés.

La question du mécénat semble également importante à propos de ce travail. En effet, Body présente un mécénat non classique avec l'entreprise automobile Renault, lancé par la Galerie Chantal Crousel gérant l'artiste et sa pièce. L'origine du projet entrant dans une thématique automobile, ce mécénat qui s'est naturellement mis en place, aborde un échange de techniques et de savoir-faire essentiel à la mise en œuvre de la pièce grâce à une fusion des équipes et de l'artiste construisant un équilibre essentiel.

L'artiste se trouve en collaboration depuis les années 2000 avec la Galerie Chantal Crousel à Paris. La participation de Jean Luc Moulène à la foire internationale d'art contemporain en 2011, s'est donc imposée sous une volonté commune. Cette décision découle de la volonté de montrer cette pièce majeure dans la carrière de l'artiste au public français transférée ensuite à New York dans la galerie Dia Art Fondation, exposant pour la première fois un artiste contemporain français.

Jean Luc Moulène, portant depuis le début de sa carrière un grand intérêt aux objets de marchandise, crée ainsi, pour la première fois, une pièce symbolique partant d'un objet de marchandise auquel le public se confronte quotidiennement: la voiture. Contrairement à certains artistes comme César, il n'immobilise pas cette origine dans une pièce finale mais la fait évoluer plastiquement et symboliquement. La logique de l'objet de base est donc excédée par l'épaisseur signifiante de l'œuvre finale soustrayant les choses au langage par la singularité de ses formes, partant pourtant à la base d'un objet de signification évidente.
Plusieurs œuvres antérieures peuvent également recouper le processus de création de Body. L'œuvre présente en effet une grande affiliation avec les œuvres découlant des mouvements futuristes et cubistes, notamment avec le Cheval Vapeur de Duchamp Villon, posant cette même problématique de la mobilité dans le champ sculptural.
Chapeau bas pour une première réalisation monumentale dont les couleurs flashy et les formes quasi féminines ont attiré la foule des flâneurs des Tuileries adeptes de la Fiac ou novices.

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